Lundi saint, entrée dans la semaine sainte ... celle de la Foi des Chrétiens, celle d’un Dieu qui chemine, main dans la main, avec l’homme.

Dans la soirée, une colonne de fumée et de feu déchire le ciel de Paris.

La cathédrale, ce joyau de l’art gothique est en feu, sans que nous en connaissions la raison.

La flèche s’effondre. Des milliers d’arbres, transformés par nos ancêtres en charpente depuis le XIIème et le XIVème siècle, s’envolent en fumée.

Une balafre défigure désormais l’île de la Cité, laissant Esméralda et Quasimodo à leur détresse.

 

Ce lundi saint, ce sont les Parisiens qui s’écroulent dans la tristesse et dans les larmes.

Ce lundi saint, ce sont les Catholiques de Paris qui tombent à genoux, à l’image de Jésus, lors de son chemin de croix et se lancent dans une prière d’espérance et de vérité.

Ce lundi saint, c’est le monde qui se tait, effaré par tant de chaos ; qui se tait, en ne trouvant pas les mots pour signifier son désarroi.

Notre-Dame de Paris, ce sont 856 pages d’Histoire qui, du Moyen-âge jusqu’à nos jours, s’envolent en fumée.

Notre-Dame de Paris, c’est un monument qui, au-delà des croyances et des courants de pensée, aura été un élément unificateur de la France.

Des rois de France y furent sacrés, des présidents de la république y furent honorés, les grands événements de la vie d’un pays y furent marqués par le son du Bourdon de la Cathédrale, l’Eglise y déroula ses fastes et ses beaux moments de Foi.

Notre-Dame de Paris, c’est une merveille du patrimoine français, célébrant la grandeur du gothique et, par-delà, la grandeur de Dieu.

C’est l’œuvre de Bâtisseurs audacieux, de Victor Hugo qui la magnifia dans son roman.

C’est l’œuvre de Viollet-le-Duc qui lui rendit la splendeur de sa flèche.

C’est l’œuvre des artistes qui, firent résonner son orgue prestigieux.

Ce sont ces symphonies de couleurs qui, à travers vitraux et rosaces, illuminaient celles et ceux qui s’y rassemblaient ou qui la visitaient.

C’’est l’œuvre de poètes qui, tel Paul Claudel, y découvrirent le chemin de la Foi.

C’est l’œuvre de tant de croyants, connus et inconnus, qui y imprimèrent leur marque sur le tissu d’une prière fervente ou dans la beauté d’un monument qui perpétue le souvenir à travers les âges.

 

En regardant cette cathédrale en feu, mes yeux se fixent sur Jésus qui tombe une nouvelle fois.

Il venait de tomber sous le poids des scandales qui déchirent l’Eglise.

Il venait de tomber sous le désintérêt d’un peuple noyé dans une société de consommation aveuglante.

Il venait de s’écrouler sous la tiédeur de la Foi de croyants qui n’avaient plus trop l’air d’y croire, au point d’en faire le centre de leur vie.

Oui, en ce lundi saint, Jésus tombe pour la quatrième fois.

 

Il tombe dans la chaleur d’un incendie dévastateur.

Il tombe aussi dans la désespérance d’un peuple qui, depuis 5 mois, s’exprime, chaque samedi, dans les rues de Paris.

L’homme n’en peut plus de ne plus vivre de son travail.

Il n’en peut plus d’être étiqueter comme un fainéant et méprisé par la finance.

Il n’en peut plus d’être privé d’une retraite ou de soins de santé ou d’un peu de dignité et de reconnaissance.

L’homme d’aujourd’hui s’embrase, lui aussi, dans le feu destructeur de l’argent et de conditions de vies innommables.

Et personne pour l’entendre ou venir à son chevet !

On nous parle de millions d’euros qu’il faudra pour restaurer la cathédrale de Paris.

On n’entend moins nos dirigeants à l’écoute d’un peuple qui souffre et qui s’enfonce dans la pauvreté.

Ce lundi soir, le président de la République devait s’adresser à la nation pour lui indiquer les mesures qu’il avait prises, pour donner suite au grand débat.

L’incendie de la cathédrale lui a dit : « Tais-toi ! viens me regarder et vois ton peuple rassemblé à mes pieds : il souffre, il pleure.

L’incendie de la cathédrale vient nous rappeler que « si Paris vaut bien une messe », l’homme, le vrai sanctuaire de Dieu, la mérite lui aussi.

Chrétiens, vous qui priez devant Notre-Dame en flamme, priez aussi pour l’homme qui, chaque samedi, te clame qu’il n’en peut plus de ne plus vivre. On aurait aimé entendre vos prières, nous n’avons eu que celui de votre silence assourdissant !

Mais aujourd’hui, c’est l’heure d’une nuit sans bruit.

Nous pleurons avec Esméralda et avec Quasimodo : que vont-ils devenir ?

Nous pleurons avec les Parisiens, investis par ce grand drame qui fera que Paris ne sera plus le même dorénavant.

Nous pleurons avec, dans les yeux, cette vision que décrivait Victor Hugo, ce chantre de Notre-Dame de Paris

« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée ».

Si Paris ne brûle pas, ce matin, son cœur est en cendre !

G. De Smet (16/04/2019)

 

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